La terre crue dans l’architecture

Cet article est signé Amélie Le Paih.

 

Pour aller plus loin dans la pratique de la technique de la bauge, se reporter aux stages organisés par l'association :

- stage enduits de terre

- stage ouverture dans un mur de terre, pose d'une carrée bois

- stage restauration d'un mur de terre

 

Depuis la construction des premières cités antiques jusqu’à l’industrialisation des procédés de construction, la terre crue est un matériau très couramment employé.
L’imaginaire collectif associe encore souvent l’architecture de terre à une forme de construction désuète et rurale. Pourtant les cultures constructives déclinées à travers le monde présentent des savoir-faire très élaborés.

Au début des années 1980, en France, l’agence nationale d’amélioration de l’habitat (l’ANAH) estime que le patrimoine bâti en terre représente 15% de l’ensemble du patrimoine architectural national, soit plus de 2 400 000 bâtiments.

En Bretagne, les bâtiments ruraux et urbains en terre sont d’une grande diversité. Le matériau est employé ici en murs porteurs avec la techniques de la bauge, en remplissage entre pans de bois pour réaliser du torchis, recouvrant intérieurs et extérieures des parois en enduits, en formant des hourdis entre solives appelés quenouilles et en sol de terre battue.

La bauge

En Bretagne, le terme bauge désigne une technique de construction en terre crue de murs porteurs façonnées. Cette même technique est nommée « cob » en anglais et « mâsse » en Normandie.

La terre est mélangée à des fibres végétales (paille, foin, ajoncs, bruyère) et mise en œuvre à l’état plastique (pâte à modelé).
Le mélange est positionné sur un soubassement appelé solin. Il était habituellement constitué d’une maçonnerie de pierre. Le mélange de terre posé à la fourche en mottes ou sous forme de caillebotis découpés était ensuite paré, c’est-à-dire recoupé verticalement.

Pour supporter son propre poids, les murs en bauge sont montés par levées successives d’une hauteur d’environ 50 cm. La levée suivante est mise en œuvre lorsque la précédente a suffisamment séchée pour la supporter.
Le tricage permettait de terminer à donner son aspect et sa verticalité finale au mur en bauge.

 

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Le torchis

Le torchis désigne les parties hourdées en terre verticalement entre une ossature porteuse habituellement en bois. Ces remplissages sont de la même épaisseur que le colombage, soit une quinzaine de centimètres.

Le terme torchis provient de « torche ». Cette technique consiste à mélanger de la terre argileuse avec des fibres végétales longues autour d’un fuseau en bois.

Il existe d’autres termes locaux tels que « paillebart » et « pailli » dans l’Ouest de la France ou encore « lähme » ou « wickelbrode » en Alsace pour désigner le torchis.

Le torchis est aussi une technique plus simple de remplissage employée en milieu urbain par exemple dans les immeubles en pans de bois de la ville de Rennes.

Les remplissages sont coffrés entre lattis de châtaigniers et restent en place pour supporter ensuite les enduits.

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Les propriétés du matériau

La terre crue utilisée pour la construction est la terre minérale dépourvue de matière organique provenant de la dégradation de la roche mère en profondeur.

 

L’argile est le liant de la terre

C’est un matériau composite fabriqué à partir de granulats (cailloux, sables et graviers) aggloméré par un liant : l’argile. En regardant de plus près, l’argile est constituée de grains plats et fins comme des feuillets. A cette échelle nanométrique, l’eau agit comme une colle. C’est l’eau qui va faire tenir les feuillets d’argile entre eux grâce principalement à la force capillaire. L’argile enrobe et lie les granulats entre eux.
Comme deux feuilles de papiers collent entre elles quand on les mouille, les feuillets d’argile collent entre eux grâce à la fine pellicule d’eau qui les recouvre. La structure feuilletée des argiles et leurs petites tailles permettent à l’eau de former des ponts capillaires solides, car la force capillaire est d’autant plus forte que les feuillets sont petits et plats.

 

Une forte inertie thermique

La terre crue est un matériau à forte inertie thermique.
L’inertie thermique d’un bâtiment est sa capacité à stocker puis, à restituer la chaleur de manière diffuse. C’est-à-dire à résister aux variations thermiques extérieures, alternances de périodes chaudes et froides sur des rythmes courts (entre le jour et la nuit) et sur des périodes longues (rythmes saisonniers).

 

Régulation de l’hydrothermie

Les surfaces des parois en terre sont perméables à la vapeur d’eau, même d’aspect sec, elles contiennent toujours une quantité d’eau sous forme liquide. Celle-ci varie en équilibre avec l’humidité ambiante. L’évaporation et la condensation de l’eau dans les parois permet d’atténuer les variations de températures et d’humidité du bâtiment.

 

Résistant au feu

Les matériaux constitués de terre crue résistent très bien au feu. La terre cuit et ne se détériore pas en contact avec le feu.

 

Résistances mécaniques

Le matériau terre crue possède une résistance mécanique suffisante pour construire des bâtiments de quelques étages. En fonction des techniques de mise en œuvre, les valeurs courantes de situent entre 1 et 3 Mpa.
La résistance à la compression des murs en terre baisse varie avec la teneur en eau. Un mur très sec sera plus résistant qu’un mur gorgé d’eau à cause d’une pathologie.

 

 

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Sources

 

  • ROHLEN et ZIEGERT, Construire en terre crue. Paris : éditions le Moniteur, 2013.
  • ANGER, FONTAINE, et al. Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture. Paris: éditions Belin, 2009.
  • GUILLAUD, GRAZ, CORREIRA, MECCA, MILETO, et al. Terra incognita ; découvrir une Europe des architectures de terre et Terra incognita ; préserver une Europe des architectures de terre. Argumentum ; Culture Lab Éditions, 2009.
  • BARDEL, MAILLARD. Architecture de terre en Ille et Vilaine. Rennes : Éditions Apogée, écomusée du Pays de Rennes, 2002.
  • LE PAIH, L’utilisation du matériau terre pour l’entretien des immeubles à pans de bois de la ville de Rennes. Mémoire de DSA Architecture de terre du CRAterre ENSAG. Grenoble, 2010.
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